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envieux, timide, cr�dule, ennemi de la raison et de la logique, soucieux uniquement de son
int�r�t personnel si �troitement con�u qu'il en fait l'instrument de son malheur. Bref, en
toute sa pens�e, et en tous ses actes, m�diocre, irr�m�diablement m�diocre.
Donc son intelligence est basse et faible. Est-il permis d'esp�rer qu'il r�ussira �
l'am�liorer ?
Perfectionner une larve qui est d�j� en pleine r�gression, voil� le probl�me qui se
pose.
Probl�me angoissant, complexe, ardu. Mais je n'ai pas le fol espoir qu'on tentera m�me
l'�bauche de la r�forme qui serait n�cessaire, la seule qui nous emp�chera de tomber au-
dessous des �tres les plus grossiers : L'AM�LIORATION DE L'INTELLIGENCE
HUMAINE. Et, cependant, malgr� leur futilit� et leur incoh�rence, les hommes ont pu,
pour l'�levage de leurs bestiaux, arriver � prouver que, s'ils font pendant quelque temps
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choix de reproducteurs pourvus de qualit�s �minentes ou sp�ciales, ces qualit�s �minentes
et sp�ciales vont repara�tre chez les descendants. En accouplant les juments et les chevaux
les plus rapides, on finit par obtenir au bout de plusieurs g�n�rations des individus
h�r�ditairement rapides... c'est m�me ainsi qu'on a pu cr�er la sous-vari�t� des chevaux de
course.
Donc on peut modifier par s�lection les esp�ces. Donc il y a transmission h�r�ditaire.
Donc, en continuant cette s�lection, c'est-�-dire l'accouplement des meilleurs, sans
d�faillance, pendant de nombreuses g�n�rations, on forcera certains caract�res, aussi bien
psychologiques que physiques, � se fixer sur l'esp�ce. Car la forme de l'esprit est soumise
� l'h�r�dit�, tout autant que la forme du corps.
S'il en est ainsi - et il est fortement prouv� qu'il en est ainsi - pour que Homo stultus
cesse d'�tre Homo stultus, il lui faudra d�velopper son intelligence par une s�v�re et
prolong�e s�lection. Mais, pour commencer, ne f�t-ce que timidement, cette grande
Suvre, un immense et douloureux effort serait n�cessaire. Et malheureusement nous
sommes arriv�s � un tel point de d�gradation qu'une si rude t�che sera probablement
impossible.
Alors tant pis ! tant pis pour l'avenir de notre infortun�e esp�ce ! Je sais bien que
quelques beaux g�nies, un L�onard de Vinci, un Moli�re, un Socrate, un Lavoisier, un
Hugo ont �tincel� �� et l�, comme ces feux charmants qui, pendant les nuits d'automne
s'�l�vent d'un mar�cage empest� pour briller et s'�teindre dans les t�n�bres environnantes.
Mais que signifient ces lueurs isol�es, si tout autour d'elles, l'immense masse humaine,
veule, amorphe, et incorrigible, reste plong�e dans une �paisse nuit ?
Si donc l'humanit� n'a pas le courage de se r�former, elle continuera � v�g�ter mis�ra-
blement aux rives du malheur et de la sottise, jusqu'� ce qu'enfin, saoule d'infortunes et de
vices, elle disparaisse dans le n�ant du froid absolu, en m�me temps que la chaleur du
soleil, notre p�re � tous.
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XXIII. La mort
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Retour � la table des mati�res
L'�v�nement le plus banal de la vie, c'est la mort. L'homme aurait donc d� s'y
r�signer ; car rien n'est plus commun, plus universel, plus n�cessaire. C'est chose b�te que
de se r�volter contre l'in�luctable, et pourtant l'homme ne se r�signe pas. Il s'indigne et se
lamente. La mort est pour lui une source de terreurs ridicules et de pratiques
d�shonorantes.
Si le bon sens r�glait les mouvements de notre pauvre machine pensante, la mort ne
pourrait nous inspirer que des sentiments de sympathie affectueuse. Nous devrions la
traiter, au moins celle qui nous concerne, comme une grande amie, tr�s puissante et tr�s
sereine, car elle, seule peut nous d�livrer de nos angoisses, renaissantes ; elle fait succ�der
� notre tr�pidation perp�tuelle une paix que rien ne peut plus troubler.
Je ne sais quel souverain � vie brillante, mais agit�e, passant devant un cimeti�re sem�
de tombes, murmura en soupirant : � Invideo quia quiescunt ! je leur porte envie, car ils se
reposent ! � Il �tait peut-�tre sinc�re.
� toi qui me lis, et qui es peut-�tre un peu moins stupide que tous tes fr�res, r�fl�chis
un moment, si tu peux. Pour regretter la vie, il faut �tre vivant. Eh bien ! quand tu seras
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mort, tu ne seras plus en �tat de rien regretter, ni les fleurs, ni les femmes, ni les vins, ni
les couronnes, ni cet or pour lequel tu as fait tant de frivoles sacrifices. Qu'importe si la
famine, la peste et la guerre d�cha�nent contre les vivants leurs fureurs ? Toi, couch� dans
un bon tombeau, d�vor� par de braves vers, tu dormiras profond�ment, sans r�ver et sans
ronfler. Il ne restera plus de tes chairs que des d�bris sans nom, et la conscience de toute
douleur aura depuis longtemps disparu. Nul regret ne voltigera dans ta s�pulture, pour se
m�ler aux larves qui se repa�tront de tes atomes. Vainement toutes les haines de l'homme
et toutes les foudres du ciel tonneront autour de ton cercueil : elles ne pourront t'arracher
une sensation, et tu continueras � jouir d'un �pais sommeil, m�me si un obus, d�gradant ta
s�pulture, pulv�rise tes os et met � nu ta pourriture.
Pourquoi donc avoir peur de la mort ? Est-ce que, par une exception invraisemblable,
ton existence �ph�m�re �tait � ce point d�licieuse et sans nuage que la seule id�e d'en �tre
priv� te fait tomber en p�moison ?
Ce qui m'effarouche, dis-tu, ce n'est pas tant la mort, que le mourir. Passer de vie �
tr�pas, faire le grand saut ! On se figure que c'est terrible ! & Mais non ! mais non ! ce
n'est pas tr�s terrible ! c'est tr�s simple. L'�preuve en a �t� faite des milliards de fois ! On
s'endort !... Voil� tout !
Un excellent sommeil que ne suivra aucun d�sagr�able r�veil ; ce n'est pas si mal
imagin� apr�s tout, et je trouve que la m�re Nature a bien fait les choses.
N�anmoins, de tout temps et dans tous les pays, l'homme s'est ing�ni� � se raconter �
lui-m�me de fantaisistes histoires sur les lendemains de la mort. Il a invent� des
chaudi�res bouillantes o� des Croquemitaines atroces et d'affreuses f�es Carabosses nous
feront cuire � grand feu et � long feu (une �ternit�, tout simplement). Mais ce sont contes
de nourrice qui font sourire Agn�s elle-m�me.
Notre commune crainte de la mort est donc d'une stupidit� effarante. Pourtant il serait
assez vain de la combattre, car elle est beaucoup moins un raisonnement qu'un instinct. Et
cet instinct se justifie, puisque tout �tre vivant, pour �tre m�nager de sa vie, doit �tre
poss�d� par l'horreur de la mort.
D'autant plus qu'il n'y a pas seulement notre mort � nous, laquelle doit nous laisser tr�s
indiff�rents, mais la mort de ceux que nous aimons. Ah ! certes, elle est cruelle celle-l�, et
je connais toute l'intensit� de cette douleur. Ne plus voir le sourire, ne plus entendre la
voix, ne plus toucher la main de celui qui �tait ador�, de celle qui �tait ch�rie, c'est la plus
grande des mis�res humaines... Tout de m�me l'homme pourrait �tre assez sage pour
redouter la mort de ceux qu'il aime, sans redouter sa propre mort... Mais je n'insiste pas :
car ce serait estimer trop haut l'intelligence de mes contemporains que de les croire
capables de comprendre que, pour regretter la vie, il faut avoir conserv� une parcelle de
vie.
N'ayant jamais pu - je ne sais pourquoi - se r�signer � la mort, l'homme a toujours
essay�, par mille subterfuges ridicules, de se persuader � lui-m�me qu'il ne va pas mourir. [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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